Publiée ensuite (toujours en 2014) dans Les Contes Roses vol. 1 (Éditions des Artistes Fous)
Le rapport du veilleur
« Monsieur Duclos, nous attendons
votre coopération pour comprendre le déroulé des événements
d’hier. Nous espérons de vous un rapport détaillé. »
Il y avait eu un cambriolage dans la
soirée et Joël était le veilleur de nuit. Bien sûr la police
voulait sa version des faits, après tout il était en faute. Mais
l’inspecteur ne se doutait pas de ce que ce mot « rapport »
rappelait au veilleur.
***
La soirée était calme et Joël
distraitement en train de surveiller les caméras de surveillance
après son tour de ronde avec le clébard. Pas de match à suivre à
la télé, il avait décidé de passer un coup de fil à Julia ;
ses charmes n’étaient pas donnés, mais elle le valait bien.
La nuit était tombée depuis longtemps
quand la jeune femme arriva dans la zone industrielle et le visiteur
nocturne dans son sillage. Joël l’invita, elle, à entrer après
avoir pris la peine d’enfermer le chien dans la petite salle de
repos attenante à celle de surveillance. Ce dernier était jaloux et
avait tendance à aboyer en permanence quand il avait de la
compagnie, utile pour protéger un entrepôt, moins pour s’envoyer
en l’air.
À 22h, la langue de Julia tournait
autour de la verge de Joël, le chien autour d’un fauteuil et le
cambrioleur autour du périmètre. Les mains de Joël allaient le
long du cou pour chercher ses seins, celles du l’intrus le long du
grillage pour chercher une faille. Tous deux atteignirent leur
objectif.
Moins de dix minutes plus tard, Joël
entrait en Julia, le cambrioleur dans le bâtiment et le chien dans
une nouvelle crise d’aboiements. Elle gémit, le chien également,
le temps de reprendre sa respiration entre deux aboiements, mais pas
l’alarme que l’inconnu s’était chargé de débrancher.
Le crochet s’immisçait dans la
serrure, le doigt du veilleur dans l’anus de Julia. Puis il y eut
le déclic, la dernière résistance avait fini par céder.
L’arrière-salle venait de s’ouvrir et ils y pénétrèrent. De
dépit que ses avertissements soient ignorés, le chien s’en alla
au fond de la salle, dans sa panière, quittant la stature à quatre
pattes pour s’allonger alors que la prostituée faisait l’opération
inverse.
Le cambrioleur finit par trouver ce
qu’il cherchait tandis que Joël s’en approchait et que Julia le
feignait. Le chien de son côté ne cherchait plus rien, préférant
céder à la somnolence.
Le veilleur finit par se retirer de la
demoiselle et le visiteur de l’entrepôt. Ce dernier se répandit
en auto-congratulations et celui qui était censé l’attraper en
humeurs visqueuses sur la poitrine de la professionnelle.
Le cambrioleur mit le contact de sa
voiture, Julia sa culotte et Joël du temps à sortir son
porte-monnaie. Le premier fila sur les chapeaux de roue et la
deuxième un bas en pestant. Rhabillée, la demoiselle tendit la
main, Joël un billet et le chien, sorti de sa somnolence, une
oreille. Enfin payée pour ses services elle s’en retourna à ses
affaires et le veilleur à sa télé ; toujours pas de match au
programme, mais des gymnastes en tenues moulantes faisaient l’article
d’un nouvel engin de musculation.
Il grattait son entrejambe et le chien
à la porte, le veilleur se décida donc à le libérer. Au tour de
l’animal de se dégourdir. Il ouvrit la porte, ils étaient seuls
et le chien calmé. Durant la ronde ce dernier réalisa que
l’entrepôt avait été visité et Joël que sa carrière prenait
un mauvais tournant.
***
— Inoubliable.
— Pardon ? »
Ah oui, l’enquêteur attendait une
réponse… mais probablement pas la version qui lui avait coûté un
gros billet et son emploi.
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