Nouvelle parue initialement en 2013 sur le madtelier d'écriture.
Je la republie en CC-by donc non je n'attaquerai pas The asylum pour leur film qui pompe mon idée avec des requins-zombies nazis (vous ne trompez personne !)
L’attaque des requins-vampires nazis de l’espace
1 – Farniente martien, bikinis & alcool bon marché
À l’approche de Spring
Break, les abords de Valles Marineris se remplissaient d’adolescents
désirant décompresser de la vie étudiante sur Mars. L’année 2055 ne
débutait pas sous les meilleurs hospices pour les futurs diplômés dont
l’avenir était assombri par l’incertitude du futur suite à une nouvelle
récession, découlant directement du crash financier de 2054 sur Terre.
Ben et Jack étaient
bien décidés à profiter de chaque instant et à remporter la chasse au
nichon organisée au sein de leur fraternité. Il n’était pas si compliqué
pendant Spring Break de profiter de l’occasion de se rincer l’œil et de
faire une sauvegarde photographique mémorielle de l’instant. Celui
ramenant le plus de clichés gagnait le respect pour toute une année. Il y
avait bien sûr une mention spéciale à celui qui réussissait à ramener
un cliché de nu intégral, bien plus compliqué à obtenir.
« Bienvenue à tous pour
Spring Break 2055 » annonçait un panneau à l’entrée de la cité
balnéaire. L’inscription « Vive la fete » avait été ajoutée au marqueur
en dessous, visiblement dans l’urgence et d’une main peu assurée.
Le soleil commençait à
décliner dans le ciel et les deux amis avaient trois objectifs à
atteindre avant qu’il ne disparaisse définitivement : Trouver un endroit
où planter leur tente, de l’alcool bon marché et des filles pour
partager la soirée, l’alcool et éventuellement la tente.
Rien ne semblait
inaccessible dans cette ambiance. Bien que pris d’assaut les campings ne
manquaient pas de places et les environs regorgeaient d’épiceries
prêtes à vendre de l’alcool à prix modique, en grande quantité, sans
être trop regardantes sur l’âge des clients. Finalement les filles
étaient là pour s’amuser avant tout, et elles non plus n’étaient pas
trop regardantes.
Au couché du soleil, la
tente était plantée, les bouteilles étaient achetées et entamées et les
filles abordées. Ben et Jack avaient entamé la discussion avec Nancy et
Claudia au bord d’un feu de camp en cours de mise en route. Ils
n’avaient pas longtemps hésité après avoir vu les deux amies, l’une
rousse, l’autre brune, toutes deux belles et élancées. La soirée de
printemps martien était douce et les deux filles ne portaient qu’un
bikini, les flammes du feu naissant faisant jouer les ombres sur leurs
peaux légèrement bronzées.
Ces vacances s’annonçaient épiques, contrairement à la discussion qui s’annonçait emplie de vacuité.
2 – Scientifiques, militaires & menace imminente ignorée
À l’observatoire du
mont Olympus, le professeur David Strain relisait ses notes encore et
encore. Il connaissait les conclusions par cœur mais ne savait qu’en
déduire. Mais même incomplètes, elles devaient être portées à
l’attention des autorités, il en allait peut-être de la survie d’une
partie des habitants de la planète. Et rien ne prouvait que la menace ne
risquait pas de s’étendre à la Lune et la Terre.
Le général Shasloe
était accompagné de deux gratte-papier sans importance : une secrétaire
probablement recrutée pour sa plastique et sa compétence à servir le
café et un jeune premier tout juste sorti de l’école militaire, sans
doute le fils pistonné d’un gradé quelconque. Engoncé dans un uniforme
bardé de médailles, le responsable militaire avait toutes les
caractéristiques du cliché qu’on attendait de lui : le port altier, les
cheveux grisonnant coupés courts, le visage strict qui ne devait
dessiner une ébauche d’émotion qu’en cas de guerre nucléaire. Il
s’efforçait de considérer le scientifique avec le plus de dédain dont il
était capable, soit une bonne dose de condescendance ; lui seul avait
l’intérêt de ses concitoyens en premier lieu à l’esprit.
Strain lança la
projection holo au centre de la salle de conférence. Le militaire fit
tous les efforts possibles pour rester de marbre.
— Qu’observons-nous ?
— Ceci a été repéré en
provenance de la ceinture d’astéroïdes. Et ça se dirige droit vers nous.
L’image n’est pas excellente à cause du champ de distorsion de Phobos.
— Et alors ? Ce n’est
pas la première pluie d’astéroïdes que nous essuierons. Ces débris ne
dépassent pas quelques mètres de long. Même si notre atmosphère est plus
ténue que celle de la Terre ils se seront embrasés avant d’avoir
atteint le sol. Pourquoi cette convocation alarmiste ? Vous comptez sur
les autorités pour prévenir les touristes d’observer les étoiles
filantes imminentes ?
— Vous ignorez le plus
important. La trajectoire et l’inertie de ces objets non identifiés
indique sans doute possible qu’il ne s’agit pas d’astéroïdes...
Le professeur était
satisfait d’avoir réussi son effet. Malheureusement en vain puisque le
général refusa de considérer sérieusement cette dernière affirmation.
Puis il mit fin à la rencontre, ne partant pas sans avoir une dernière
fois affirmé de manière péremptoire que l’État ne ferrait rien à défaut
de preuves solides de ce que l’alarmiste scientifique avançait.
3 – Ceinture d’astéroïdes, syndrome du survivant & barmaid sexy
— Vous n’avez pas une tête à boire seul.
La barmaid avait les
cheveux courts et un piercing sous la lèvre. Elle avait surtout un haut
moulant dont le décolleté était une incitation au pourboire ; décolleté
dans lequel nageait un dauphin, gracieux animal d’encre qui risquait
fort de devenir un lamantin vingt ans plus tard. Mais Fred n’avait
aucune envie de socialiser en cette soirée ; écluser les verres de
whisky était une activité beaucoup plus attractive. La prime d’accident
qu’il avait ramené de ses mésaventures dans la ceinture d’astéroïdes
devrait lui permettre de boire suffisamment pour rentrer à sa chambre à
quatre pattes pendant encore quelques jours.
— Je ne suis pas seul. Vous ne voyez pas tous les fantômes qui m’entourent ? Je bois à leur santé.
Il espérait s’être assuré un instant de calme avec sa répartie. Il n’en fut rien et la bougresse poursuivit son harcèlement.
— C’est plutôt calme ce
soir. Laissez-moi trinquer à leur santé avec vous. Celle-ci est pour la
maison (elle sortit un deuxième verre puis servit une rasade de whisky
dans chaque). Parlez-moi donc de ces gens pour lesquels nous buvons.
Tant pis pour l’ivresse
solitaire. Il trinqua avec réticence avec la demoiselle et entreprit de
raconter son histoire. Quitte à avoir une séance de thérapie de
comptoir, autant le faire en buvant. Et il se lança dans un monologue,
encouragé par la mine sérieuse de la serveuse.
— Je reviens de la
ceinture d’astéroïdes. Une mission de prospection de six hommes. Je suis
le seul à en être revenu vivant... (Il relève la manche de sa chemise
pour révéler la prothèse bionique qui lui sert d’avant-bras) Et il s’en
est fallu de peu. Au milieu des astéroïdes se trouvait une structure qui
n’avait rien de naturelle, un complexe artificiel déguisé en astéroïde.
Si j’en crois le design et quelques inscriptions, c’était très
probablement une base secrète de survivants nazis. Mais à peine nous
sommes nous approchés que ces monstres génétiquement modifiés, fruits de
monstrueuses expérimentations, nous ont attaqués. Ils se déplaçaient
dans l’espace sans avoir besoin de respirer. C’était des
requins-vampires...
4 – Étoiles filantes, brume & cadavres exsangues
Heureusement la plupart
des étudiants avaient quitté l’eau pour rejoindre la plage et observer
les étoiles filantes quand les météorites tombèrent dans la mer. Il y
eut peu de blessés et de disparus ce premier jour. Les objets étaient de
faible taille et l’alerte n’avait pas été donnée, ils étaient censés se
désintégrer totalement à l’entrée dans l’atmosphère. Mais il n’en fut
rien et les météorites percutèrent la surface à grande vitesse.
L’énergie cinétique des
impacts échauffait l’eau et la mer ne tarda pas à être recouverte d’une
chape de brume. Les quelques personnes encore dans l’eau disparurent de
la vue de tous et ne réapparurent pas. Le brouillard ne tarda pas à
s’étendre et commença à recouvrir la plage. Les vacanciers, paniqués de
voir leur champ de vision réduit par une inoffensive vapeur d’eau
rassemblèrent leurs affaires et se mirent à courir en tous sens. Les
quelques maîtres nageurs et policiers municipaux sur place furent bien
en peine pour juguler ce mouvement de foule.
Les gens atteinrent
finalement la ville, sous l’œil bienveillant des commerçants. Les
jeunes, plus choqués, se réfugièrent dans les cellules de crise
psychologiques improvisées dans chaque bar et débit d’alcool. Le
traumatisme de l’événement fut noyé dans l’alcool, les drogues légales
ou non, les parties de strip-poker et les chansons grivoises.
Ce n’est qu’en fin de
journée, lorsque la brume eut fini de se dissiper, que les premiers
cadavres furent retrouvés sur la rive. Il s’agissait probablement de
certains des baigneurs disparus. Mais ils ne semblaient pas noyés et ne
portaient pas les stigmates d’une météorite reçue sur le coin de la
tête. Certains avaient les membres arrachés, d’énormes traces de
morsures et, par-dessus tout, les corps ne contenaient plus une seule
goutte de sang.
5 – Debriefing, « je vous l’avais bien dit » & soirée de l’ambassadeur
David fulminait en
faisant les cent pas dans son laboratoire. Il était évident que ce
n’étaient pas de vulgaires météorites. Il étudiait encore et encore les
tracés des trajectoires ; aucun doute n’était possible, les projectiles
n’étaient pas mu par leur seule inertie : si ce n’était de
l’intelligence, il y avait une part d’initiative qui ne devait rien au
hasard. Les météorites, à défaut d’un meilleur terme, avaient pris la
direction de Mars intentionnellement et avaient ralenti avant de percer
les couches supérieures de l’atmosphère. Les relevés faisaient également
preuve de l’existence d’un champ de protection qui en addition d’une
forme aérodynamique expliquait qu’elles aient percuté la mer intactes.
Shasloe l’avait ignoré
et maintenant des gens étaient morts ; le professeur avait la certitude
que ce n’était pas une coïncidence. Il fallait maintenant garder son
sang froid et analyser ces nouvelles données pour affiner leur étude et
fournir un compte-rendu exhaustif qui mettrait le général face à ses
responsabilités. Et c’est l’assistante du scientifique – une belle femme
s’efforçant de s’enlaidir avec de grosses lunettes d’hipster et une
blouse masquant toute trace de courbes féminines – qui débloqua la
situation en faisant le lien entre l’état des corps retrouvés et le
témoignage d’un rescapé de ce fait divers qui avait eu lieu dans la
ceinture d’astéroïdes quelques semaines auparavant.
Des requins-vampires !
Tout concordait enfin : le schéma de déplacement en banc, la forme
effilée et cette trajectoire déterminée de chasseur fondant sur sa
proie. Il devait contacter ce prospecteur pour rassembler le plus
d’indices possibles. Mais avant cela il lui fallait contacter le
militaire pour une petite séance de « Je vous l’avais bien dit ».
— Allô ? [...] Oui dites-lui que c’est de la plus grande urgence. [...] Oui, non je ne raccroche pas.
Au bout de plusieurs minutes de musique d’attente ennuyante, le professeur fut enfin mis en relation avec le général.
— Encore vous ! C’est pour quoi cette fois ?
— Les météorites qui sont tombées cette après-midi.
— Encore ? Un petit
mouvement de panique vite maîtrisé... Vous voyez bien qu’il n’y avait
pas de raison d’être alarmiste. Maintenant c’est fini et ça ne vous
regarde plus.
— Mais...
— Mais rien ! Je suis attendu pour une soirée chez l’ambassadeur sélénite et vous allez me mettre en retard. Alors au revoir.
— Mais il y a eu des morts...
Le général avait déjà
raccroché et ces derniers mots résonnèrent quelques minutes dans le vide
avant que le professeur, dépité, ne se résigne à raccrocher le combiné.
Puisque les autorités s’évertuaient à minimiser la menace, il allait
bien falloir qu’il prenne les choses en mains.
6 – Xylostomiase, aspirine & démangeaisons intimes
L’alcool de la veille
donne toujours l’impression que la Terre tourne trop vite ; même sur
Mars... Fred essaya de se concentrer, faisant abstraction de la force
centrifuge et de la démangeaison qui prenait naissance dans son
bas-ventre. Affalé sur le lit, la bave coulant sur les draps, il
observait le dauphin danser dans un océan rose où deux bouées plus
sombre ondulaient au rythme des vagues, le mammifère marin semblait
sourire et se moquer de lui. Il se fit violence pour remettre ses idées
en place : le tatouage n’est pas vivant, les tétons ne flottent pas, la
respiration du sommeil n’est pas soumise à la marée, les dauphins
sourient toujours et il n’était pas la cible de ses moqueries.
Il se redressa sur son
coude, arrachant sa tête à la forte gravité – plus du tiers de celle de
la planète mère. Il se demandait ce qui pouvait l’avoir sorti du
sommeil. Sa tête n’était pas complètement extraite de son derrière, le
réveil ne pouvait pas être naturel. Le son strident qui lui transperçait
les oreilles et le cerveau était un suspect sérieux. Qu’est-ce qui
pouvait être aussi désagréable et dissonant ? Un voisin joueur de
cornemuse ? Un coup d’œil à la table de nuit apporta à Fred la réponse
sous la forme de son téléphone sonnant, vibrant et clignotant toutes
diodes dehors.
— Mmmh ? Flageuh ?
— Monsieur Kusser ? Je suis le docteur David Strain et...
— Ah vous tombez bien, doc ! J’aurais besoin d’une aspirine et de citrate de Bétaïne...
— Euh, je suis docteur en physique.
— Ah, tant pis. Vous n’aurez qu’à passer à la pharmacie, je suis sûr qu’il y en a une dans le coin.
Une fois le quiproquo
levé, Fred comprit qu’on cherchait à l’embaucher comme consultant. Il
n’était pas particulièrement dans le besoin – la compagnie minière lui
avait versé une prime de « ferme-ta-gueule » non négligeable – mais un
peu d’occupation lui changerait les idées, même si ressasser ses idées
noires en essayant de les noyer dans le bourbon n’était pas un hobby
dénué d’intérêt à ses yeux.
Il finit par réussir à
se relever, et après avoir labouré de ses doigts son pubis, entama de se
rhabiller afin de se rendre à l’entretien d’embauche impromptu qu’il
venait de décrocher.
7 – Les dents de Valles Marineris, vodka & treize à la douzaine
Nancy dut s’écarter du
groupe : l’appel du grand large se faisait pesant sur son estomac imbibé
d’alcool très sucré et peu cher. Elle abandonnait auprès d’un feu de
camp sur la plage ses compagnons de soirée ; Ben les doigts fermement
bloqués autour de la bouteille qui tournait depuis quelques minutes et
Jack les doigts fermement bloqués dans Claudia.
L’eau était
particulièrement attractive et l’envie d’un bain de minuit la pressait.
Mais le contenu de son estomac fut le plus prompt à se jeter à l’eau.
Crampée de douleur au-dessus du vomi surnageant dans l’eau de mer, la
tentation du bain de minuit s’atténuait. Tout à coup, les restes de
frites à la vodka commencèrent à s’agitait sous la faible lumière du
clair de Phobos.
Malgré la fatigue et
les effets de l’alcool, elle trouva la force de pousser un cri de
réflexe quand la flaque de vomi, toutes dents dehors, sembla s’extraire
de la mer pour lui sauter au visage.
Ben passa la nuit en
tête-à-tête avec sa main dans les toilettes du camping, comme une triste
réminiscence de son adolescence alors que Jack et Claudia s’envoyaient
en l’air dans la tente. Le corps de Nancy fut parmi la dizaine de
cadavre retrouvés au petit matin.
Une fois le puzzle des
différents membres résolut, treize cadavres furent décomptés. Mais seuls
douze étaient humains. Le treizième était intact, l’un des
requins-vampires s’était échoué sur la plage, l’estomac encore plein du
sang de Nancy.
La menace était
identifiée et les médecins se frottaient les mains de pouvoir étudier la
bête. Et c’est le docteur Baybars, médecin légiste au seul hôpital de
la station balnéaire, que revint le privilège de se frotter les mains à
l’idée de pratiquer l’autopsie.
8 – Réunion des protagonistes, re-« je vous l’avais bien dit » & cliffhanger
Ben, Jack et Claudia
étaient trop traumatisés par la mort de leur amie pour remarquer le
petit groupe qui venait de débarquer dans l’hôpital : Le docteur Strain
marchant avec détermination, son assistante l’accompagnant et Fred à la
traîne se grattant le pubis. Ledit groupe ne remarqua pas non plus le
groupe d’adolescents éplorés, ils se dirigeaient à travers les couloirs
aseptisés en direction de la morgue où le légiste venait de finir son
office.
Dans la salle, le
général Shasloe était déjà présent à s’entretenir avec le docteur
Baybars. Alors que le professeur Strain s’apprêtait à pavoiser en
recyclant son « je vous l’avais bien dit » qu’il n’avait pu placer
auparavant, le militaire le coupa court :
— Ah vous voilà enfin ! C’est pas trop tôt !
— Vous ne manquez pas de toupet, je –
— Vous avez intérêt à trouver une solution ou je vous tiendrai personnellement responsable de ce fiasco.
— Mais –
Sa protestation ne
trouva jamais oreille attentive, le général venait de quitter la pièce
en essayant de claquer la porte à battant qui se referma doucement
freinée par son groom.
Le professeur se
retourna avec désespoir vers le médecin, prêt à entendre ses
conclusions, puisqu’il était désormais personnellement responsable du
fiasco qu’il s’était évertué à prévenir.
— Vous confirmez la nature de la créature ?
— Oui aucun doute n’est
possible, c’est une variété génétiquement modifiée de requin-vampire,
adaptée à la survie spatiale. Nous savions que les nazis avaient
entrepris ce genre de recherches durant la seconde guerre mondiale, il
semblerait que certains survivants du reich aient poursuivit ces
travaux...
— Ça confirme la version de monsieur Kusser, même si je n’en avais jamais douté.
Fred ne réagit pas à la
mention de son nom et se contenta de rester en retrait en gardant son
air mystérieux et bourru, gardant les incursions de ses ongles dans son
jean aux seuls moments où aucune attention ne se portait sur lui.
Le médecin reprit la parole alors que Ben, Jack et Claudia faisait leur entrée :
— Je me suis permis de
faire venir les adolescents qui accompagnaient la victime. Ils pourront
vous renseigner sur les conditions de l’accident.
Après avoir soulagé une démangeaison, Fred ouvrit la bouche pour la première fois depuis leur arrivée à l’hôpital :
— Vous pouvez nous dire où ça c’est passé ?
— C’était sur la plage... commença Jack.
— Ah je vois très bien où c’est ! Allons en route !
Alors qu’ils allaient passer la porte, le légiste les interpella :
— Au fait ! Avant que vous y alliez, il est important que je vous informe : Je sais comment les tuer...
9 – Révélation, implants mammaires & chemin de la guerre
Tout le monde s’était
figé, imitant le sourire sur le visage du médecin. Se retournant de
trois-quart vers la porte devant laquelle ils s’étaient arrêtés, il
laissa quelques secondes à sa révélation pour faire son effet avant de
finalement abandonner son sourire pour laisser enfin sortir de sa bouche
les mots que tous attendaient désormais.
— J’ai dû refaire les
analyses et confier des contre-analyses aux laboratoires de l’hôpital
mais je suis formel : je sais ce qui a tué la créature que j’ai
autopsiée et je sais comment nous débarrasser de toute son engeance.
— Nous vous écoutons, relança le professeur lassé de ce suspens.
— Il est mort d’une
réaction allergique à une substance ingérée. Une substance que l’on
trouve en quantité dans ce même hôpital où nous nous trouvons...
Fred se retenait de
menacer le légiste de représailles physiques s’il ne se hâtait pas de
conclure son explication et s’il n’arrêtait pas avec ce suspens agaçant.
Mais ses paroles ne furent pas nécessaires, ce dernier se décidant à
poursuivre avec plus d’entrain après avoir croisé le regard noir de
l’aventurier.
— Il est mort d’une allergie au silicone qui se trouvait dans un implant mammaire qu’il a percé de ses dents.
— Oh mon Dieu ! Nancy s’était fait refaire les seins l’été dernier, s’exclama Claudia.
— Je le savais ! réagit Ben.
Jack ne détachait pas
ses yeux de la poitrine de Claudia, se demandant si lui aussi avait été
trompé sur la marchandise. Puis Fred le tira de ses pensées en
remobilisant tout le monde :
— Alors on partira à la guerre armés ! Où se trouve l’aile de chirurgie esthétique dans cet hôpital ?
10 – Sus aux requins, sus aux vampires & sus aux nazis
La deuxième nuit après
l’invasion venait de s’achever... Et ce serait la dernière sur Mars pour
ces créatures. Notre petite troupe s’approchait de la plage, armés
jusqu’aux dents – voir jusqu’aux décolletés pour certaines. Fred avait
pris la tête, suivit des trois adolescents ; le professeur et son
assistante fermaient la marche, chargés du stock de « bombes »
préparées.
Pendant qu’ils
élaboraient leur plan à l’hôpital, la nuit avait encore été
particulièrement meurtrière et les cadavres jonchaient la berge.
Quelques corps de requins-vampires se retrouvaient au milieu du
décompte ; les implants mammaires étaient particulièrement répandus dans
la population locale. Mais il n’était pas possible d’attendre que tous
les envahisseurs succombent à la nourriture locale, les pertes
dépassaient les quotas acceptables de dégâts collatéraux.
Fred saisit la première
bombe, poche de plastique contenant sang et silicone le tout entouré
d’un bout de cadavre pour attirer la proie. Son lancer était puissant et
précis ; si ce n’avait été pour sa blessure à un genou il aurait pu
être lanceur professionnel dans la Major League Baseball. Après
quelques éclaboussures, l’objet se stabilisa, flottant sur l’eau. Deux
ailerons semblaient faire la course pour la friandise.
D’autres ailerons
firent leur apparition. Pour qu’il n’y ait pas de jaloux, Fred et les
adolescents se mirent à bombarder toute la surface de la mer de
pochettes surprises, alimentés en munition par les deux scientifiques.
La mer était agitée ;
et ni le vent ni les marées n’y étaient pour quoi que ce soit. Des
gueules émergeaient, hérissées de dents acérées, pour se refermer d’un
claquement. Certains requins semblaient se battre, convoitant la même
proie alors qu’une autre se trouvait seule à quelques mètres à peine. Le
sang ne tarda pas à colorer l’eau. Et les créatures frappées d’une
intoxication alimentaire ne tardèrent pas à flotter, le ventre offert à
la caresse des rayons du soleil.
Quelques instants plus
tard la mer s’était calmée, ballottant doucement les cadavres des
monstres au rythme doux des vagues. La bataille était finie, tous les
ennemis étaient vaincus. L’assistante du professeur, beaucoup plus jolie
une fois ses lunettes rangées dans la poche de sa blouse, se jeta au
cou de Fred pour l’embrasser fougueusement jusqu’à ce que ce dernier lui
rende son baiser. Claudia se jeta au cou de Jack pour faire de même.
Ben se retourna vers le professeur pour lui serrer la main avec un
sourire gêné.
Puis d’autres couples
de congratulations se formèrent. Claudia embrassa Fred, sur la joue
cette fois. Les deux scientifiques se congratulant de leur clairvoyance
et leur détermination face à une bureaucratie militaire embourbée dans
sa bêtise. Et Jack et Ben, complices comme jamais, échangeaient la
poignée de main de leur fraternité, accompagnée d’un regard entendu. Ils
ne reviendraient sûrement pas vainqueur de la course aux nichons cette
année, mais même sans preuves ils auraient la conviction d’avoir palpé
plus d’implants mammaires que tous leurs camarades réunis.
11 – Célébration des héros, démangeaison intime & retour aux affaires
Le général Shasloe fut
parmi les premiers à les féliciter. Ça ne l’empêcha pas ensuite de
partager le podium avec eux tandis que le président de la colonie
martienne remettait des médailles en louant l’efficacité de la réaction
des autorités et l’initiative citoyenne salvatrice. Bref, il faisait de
la politique et les héros du jour ne savaient trop où se mettre en
attendant qu’on leur épingle un bout de métal ; à l’exception du
militaire qui semblait rompu à l’exercice et parfaitement dans son
élément lors de cet événement protocolaire inutile – même si son
appartenance au-dit groupe de héros relevait de l’usurpation
politicienne.
Sur une estrade face à
tout un public, il était difficile pour l’assistante du professeur de
réprimer son envie d’un geste déplacé qui soulagerait ses démangeaisons.
Dans les semaines qui
suivirent, le groupe éphémère se sépara. Ben et Jack d’un côté, Claudia
de l’autre, chaque adolescent retourna à ses études universitaires ;
l’amourette de vacances n’était pas vouée à perdurer. Le professeur et
son assistante retournèrent à leurs observations spatiales. Fred
repartit assoiffer son addiction à l’alcool à l’aide de ce qui lui
restait d’argent après avoir profité d’une unique nuit avec la
scientifique. C’est finalement le général, bien passif durant la crise,
qui fut le plus actif par la suite.
Alors qu’il sortait
péniblement du lit d’une nouvelle conquête, Fred entendit son téléphone
sonner. Il répondit avec un fort sentiment de déjà vu :
— Mmmh ? Flageuh ?
— Monsieur Kusser ?
— C’est encore le médecin ?
— Négatif ! Ici le général Shasloe. J’ai une proposition à vous faire.
— Oh ! Et vous ne pouvez pas passer à la pharmacie sur la route ?
12 – Ceinture d’astéroïdes, expédition punitive & pieuvres-zombies nazies de l’espace
Le vaisseau traçait à
travers le système solaire en direction de la ceinture d’astéroïdes où
se trouvait la base nazie à l’origine de tous ces malheurs. Fred avait
accepté la proposition du général de diriger cette expédition punitive.
Dans le but de démanteler à jamais cette installation. C’était aussi
l’occasion pour lui de toucher une intéressante prime avant que la
précédente ne se soit épuisée, mais surtout de se confronter à ses
démons, expier cette faute imaginaire d’avoir survécu alors qu’il ne le
méritait pas plus que les autres. Et en tant qu’unique survivant, il
était le seul à pouvoir s’acquitter de cette tâche.
Les militaires avaient
mis les moyens cette fois. Pour combattre une horde de requins-vampires
ayant envahi la mer martienne il n’y avait personne pour les aider, mais
maintenant qu’il fallait combattre une installation fantôme, il avait
l’appui de tout un peloton. Et bien sûr toute une équipe de
scientifiques chargés de récupérer tous les éléments intéressants de
l’installation pour les étudier ultérieurement. Les nazis étaient de
dangereux psychopathes qui avaient semé la panique dans toute une
station balnéaire, mais leurs travaux d’ingénierie génétique pouvaient
représenter un grand bond en avant pour l’humanité.
L’installation en forme
de svastika qui flottait au milieu des autres astéroïdes ne fut pas
difficile à retrouver. Elle se trouvait exactement à l’endroit prévu,
calculé à partir de la position indiquée par Fred et la force de
gravitation subit du soleil et des planètes alentour. La navette se posa
devant l’imposante ouverture qui servait de porte au complexe. Le sas
était béant, probablement cassé par l’usure, nouvelle preuve que
l’endroit était désaffecté. Fred sortit le premier, encadré de tous les
soldats ; les scientifiques fermaient la marche d’un pas manquant
d’assurance.
Ils progressèrent dans
un long couloir menant à un hall, puis de là continuèrent vers ce qui
semblait être les laboratoires ; d’immenses salles remplies de tables où
s’accumulaient matériel et poussière, entourées de réservoirs de
tailles diverses remplis d’un liquide indéterminé dont les scientifiques
s’empressèrent d’aller faire des prélèvements.
Dans une ombre louvoyait un tentacule grisâtre. Fred se retourna quand le hurlement brisa le silence, mais il ne vit rien...
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